Histoire n°39 : Banalités

— Alors, les filles, maintenant que la glace est brisée, passons à la fameuse question ! Parce qu’on ne va pas se mentir, on n’est pas vraiment une femme, aujourd’hui, si on n’y est pas passée, hein ? 

Marie avait pris la parole, avec Emma, elles étaient amies depuis longtemps. Les deux autres filles qui l’écoutaient étaient de nouvelles collègues de travail. Les deux copines leur avaient proposé de boire un verre pour faire connaissance et les principaux sujets d’usage — carrière, amour, et désir d’enfant — avaient déjà été évoqués. À présent, les verres étaient vides et chacune pensait en elle-même que la soirée commençait bien. Une seconde tournée fut commandée.

— Alors, racontez-moi ! continua Marie. Ça s’est passé comment pour vous ? Toi, Emma, je sais déjà mais, vas-y, commence. Ça motivera les autres !

— Moi, j’ai eu de la chance, il y avait comme un côté romantique. J’étais en vacances, sur un voilier. 

— Pour moi, c’était un peu moins « glamour », reprit Marie, je vous le dis ! C’était à l’arrière d’une voiture… assez pourrie en plus.

Chloé et Zoé qui souriaient gentiment jusque là, laissèrent échapper un rire léger à peine crispé et Chloé vers qui tous les regards étaient tournés se lança à son tour :

— Oh, moi j’avoue que je ne m’en souviens pas exactement. J’étais saoule et… droguée pour tout dire.

— Je vois ! commenta Zoé alors que les trois filles riaient nerveusement. Pour moi, c’était plus traditionnel. C’était avec mon copain de l’époque, dans le lit de sa chambre d’étudiant. 

La conversation déviait déjà vers un autre sujet quand Chloé l’interrompit : 

— Attendez les filles, juste une question. On parlait bien de son viol, pas de sa première fois ?

Aude Berlioz

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