16
Mai
2021
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Histoire n°70 : La philosophie du tardigrade

À partir d’aujourd’hui, c’était décidé, Arsène se dit qu’il allait adopter la philosophie du tardigrade. Il avait tout vu de cet étrange animal à l’école. Cette minuscule chose plissée vivait dans la mousse, avait huit courtes pattes griffues, une trompe à stylet et se faisait appeler « ourson d’eau » pour plus de mignonnerie. Mais ce qui intéressait surtout Arsène était son étonnante capacité à survivre à des environnements extrêmes et des plus hostiles. À plus de 150 degrés ou dans le vide spatial, le tardigrade se vide complètement de son eau et, si ça ne suffit pas, s’entoure d’une petite carapace de cire qu’il appelle gentiment tonnelet. Ainsi protégé, il peut demeurer endormi « des milliers d’années au moins » — avait précisé sa maitresse.

Arsène n’avait que 8 ans, mais il n’y a pas d’âge, malheureusement, pour endurer l’hostilité de la vie… Et dans sa petite tête, ce matin là, le germe d’une idée était né. À partir d’aujourd’hui, il serait un tardigrade : indestructible. Peu importe ce que les grandes classes lui réserveraient, rien ne pourrait l’anéantir. C’était décidé. Et quand ce soir, comme tous les autres, le gros Nicolas et sa bande viendraient lui voler son cartable, il mettrait en pause une partie de lui-même, il se blottirait dans sa carapace où personne ne pourrait plus l’atteindre… C’était sûr. 

Moelleusement abrité, il suffirait alors à Arsène, comme le tardigrade, d’attendre que la joie revienne pour renaître à la vie.

Aude Berlioz

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