Histoire n°103 : Le verre vide
Ce verre est la première chose que je vis en rentrant chez nous… juste après. Il trônait sur la table de la cuisine, comme tous les jours. Une fois de plus, elle ne l’avait pas rangé et, normalement, cela m’aurait mis en colère. Il était là, banal, vide… sale : seul sur le bord et au fond du verre restait quelques gouttes de son jus d’orange préféré. Pourtant il était si beau, sa vue me fit si chaud au cœur que pendant des jours, des semaines peut-être je ne pus me résoudre à le débarrasser. Il était pour moi la négation même de ce qui venait d’arriver.
Quand je passais devant lui, je ne pouvais m’empêcher de le fixer longuement et c’était comme s’il me rendait mes regards. Si quotidien, presque hypnotique, il semblait contenir en son vide toute son absence. Mais il était la preuve qu’elle avait existé, la preuve qu’elle avait vécu ici. Et surtout, il me donnait cette impression si douce, si sucrée qu’elle allait passer la porte d’une seconde à l’autre, qu’elle était dehors quelque part, qu’elle était partie ce matin comme tous les jours et qu’elle reviendrait, comme tous les soirs…
Ce verre vide me donnait l’espoir fou de pouvoir un jour à nouveau l’engueuler parce qu’elle laissait toujours tout traîner derrière elle, Bon Dieu ! Mais, cette fois, Oh promis, si tu pouvais revenir… je ne le ferais pas. Je te prendrais juste dans mes bras.
Aude Berlioz