Histoire n°105 : L’iguane qui allait quelque part…
Par un beau matin froid, nous nous baladions en ville entre amis quand nous fûmes soudain dépassés par un iguane, manifestement pressé. Sa course était rapide et si proche de nous qu’il nous bouscula presque — nous donnant le loisir de l’observer de près. Vert intense, sa peau luisante et écailleuse offrait un contraste saisissant avec la blancheur du ciel glacé vers lequel il s’enfuyait. Et, son fanon, un drôle de surplus de peau qu’il arborait sous la gorge, battait au vent comme un drapeau au rythme affolé de sa marche. Je ne pus m’empêcher de commenter :
— Mais où peut bien courir ainsi un iguane par un matin d’hiver ?
Tout de suite, à la mine qu’afficha mon ami, j’eus voulu ravaler mes propos. Mais il était trop tard… Il parut presque s’étouffer un instant de colère avant de s’exclamer :
— Mais voyons, te voilà bien présomptueux, mon cher ! Il y a plein d’endroits où peut se rendre un iguane à cette heure-ci ! Il peut, je ne sais pas moi, aller se faire brosser les épines ou bien voir un film ! Ou encore, peut-être est-il en retard un rendez-vous ! Médical ou même… amoureux, qui peut savoir ?
Je réfléchis, un instant, et révisai en moi-même mon jugement hâtif. J’acquiesçai alors penaud avant de promettre pour le salut de notre amitié, de toujours tuer dans l’œuf, à l’avenir, ces vaniteuses remarques.
Aude Berlioz