19
Mar
2020
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Histoire n°93 : Les fugitifs

Nous n’étions pas même au troisième jour de confinement qu’il la voyait déjà se faner comme une fleur sans eau et sans soleil. Elle perdait des pétales partout dans l’appartement et surtout, autour du canapé, où elle restait avachie toute la journée à regarder de vieux épisodes d’Hercule Poirot. Elle qui se nourrissait habituellement d’amis, de fêtes et d’événements culturels, comme d’autres de gâteaux au chocolat, ne pouvait pas survivre bien longtemps à ce régime forcé. Il fallait trouver une idée. Une idée pour changer les siennes et lui faire dire autre chose que ces trois mots qu’elle répétait sans cesse : « Je veux sortiiiir…! » 

Heureusement, l’idée vint vite. 

— Je veux sortiiiir !

— Impossible ma chérie, tu sais bien qu’on est recherchés.

— Recherchés ? dit-elle intriguée. 

— Eh oui, depuis le braquage qui a mal tourné… On voulait blesser personne mais on était coincés, on n’a pas eu le choix !

— Parce qu’on est des voleurs avec une éthique, comme Arsène Lupin ? 

— Exactement. Jusqu’à ce que ça se tasse, il nous faut sortir le moins possible. On a quelques stocks de nourriture, mais pour se réapprovisionner, il va falloir faire très attention et sortir masqués. Surtout que personne ne nous reconnaisse ! Tous les flics du pays sont à nos trousses. 

— Tous les flics ? 

— Bien sûr, nos photos sont placardées partout ! Il y a des contrôles routiers sur tous les axes, dans toutes les rues. Ils veulent notre peau, ma chérie.

— Un peu comme Bonnie et Clyde ? dit-elle avec enfin, dans les yeux, une lueur qu’ont les petites filles à qui l’on trouve un nouveau jeu. 

— Comme Bonnie et Clyde… Oui. Il va falloir être courageuse, mais ne t’inquiète pas, c’est juste l’affaire de quelques semaines. Le temps qu’ils se lassent et qu’on trouve un bon plan d’évasion ! Ensuite, avec le magot, on part au soleil pour la vie, dans un pays sans extradition…

Elle s’illumina soudain et refleurit à vue d’œil. C’était gagné. Et l’on passa les jours suivants à compter des faux billets et à me soigner pour une blessure par balle qui n’existait que dans son imaginaire. 

Aude Berlioz

Courage ❤️