23
Sep
2020
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Histoire n°68 : Le prince solitaire

Le prince solitaire habitait une planète où il n’y avait rien. Mais cela importait peu car le prince n’avait pas besoin de manger. Il ne vieillissait pas non plus et parfois il se demandait : « Suis-je vraiment en vie ? » Sur sa planète, il n’y avait pas non plus de saisons, de cycles ou de jours et de nuits qui s’alternent. L’une des faces était toujours ensoleillée et l’autre toujours dans la nuit. Quand il était fatigué, le prince passait simplement de l’autre côté et fermait les yeux.

Pour se distraire, au réveil, il partait arpenter la face ensoleillée de sa planète. Il marchait longtemps au travers de grandes étendues désertiques, toujours semblables. À perte de vue des champs de glace, où la glace craquelait sous ses souliers de roi. Puis venait la lave, rouge, jaune et noire qui n’en finissait pas de frémir et de l’éclabousser pendant qu’il y nageait. Sans doute, se disait-il je ne fais qu’imaginer ce qu’est une planète sans hommes, ce que sont des milliers et des milliers de lieux sans aucun être vivant. Mais où était maintenant le prince, il n’y avait que pierre, qu’un désert de roche figé d’ennui, loin de la Terre.

À un moment donné, quand il estimait qu’il avait assez marché — que son corps devait s’arrêter — il retournait simplement sur ses pas. Car, comme sa planète, le corps du prince ne suivait pas de cycle. Il ne connaissait pas le sommeil… Il arpentait alors en sens inverse la pierre, la lave et la glace et, revenant à son point de départ, il s’enfonçait de nouveau dans la nuit, sans jamais avoir trouvé une âme à qui parler. 

Aude Berlioz

©Austin Templeton