Histoire n°74 : La disparition des cons
Un matin, sans explication, on se retrouva soudain entre personnes de bon sens. Plus de klaxons sur les routes, plus de discussions stupides à la machine à café, plus de consternations au bar en entendant les conversations des tables d’à côté… TOUS LES CONS AVAIENT ENFIN DISPARU. Une joie sans limites fit descendre les gens dans les rues, des farandoles s’improvisèrent. Et, pour la première fois, aucun voisin, ni de droite ni de gauche, ne nous foudroya de remarques imbéciles.
Mais l’immense soulagement des premiers jours laissa vite place à un questionnement accablant. De qui maintenant se sentir supérieurs ? De qui se moquer entre amis et contre qui râler le soir en rentrant du travail ? Un grand conseil fut réuni et la seule décision à prendre fut prise : la moitié de la population tirée au sort aurait pour ordre de remplacer les cons et de feindre ces comportements qui, contre toute attente, nous manquaient tant.
En quelques jours — le temps que les rôles soient appris —, tout était rentré dans l’ordre… Et pour le contentement critique de tous, l’ancien joyeux chaos avait repris sa place.
Aude Berlioz
©Arthur Mazi